Il était quinze heure quarante lorsque je me trouvais aux portes de l'académie pour fumer ma cigarette comme à mon habitude. Je n'aimais pas bousculer celles- ci, c''était plus fort que moi, ça m'angoissait énormément et je me sentais perdu lorsque une de mes habitudes était absente. Il paraît que c'est souvent le cas chez les autistes mais... Je pense que cela était pareil chez certaines autres personnes que j’appelais « normales ».  Assis sur le même banc comme toujours je dépose mes affaires et mon sac bandoulière près de moi et sors du sac un paquet de cigarette pour en retirer l'un de ces bâtonnets toxiques haït par beaucoup de gens. Personnellement ça me permettait de me détendre alors malgré les « hater » comme on les appelait sur les réseaux sociaux j'avais continué cette mauvaise habitude, encore, mais aussi ma mort prématurée à cause des éléments toxiques à l'intérieur. Enfin, ça c'est si je vivais assez longtemps pour qu'un cancer des poumons m'ôte la vie et, c'est triste à dire mais je savais que je ne mourrais pas de ça. Je mourrais lorsque je le déciderai, que de pathétisme.... Je soupire et reprends une latte sur ma sucette à cancer, balançant ma tête en arrière pour regarder le beau soleil de cette journée d'avril, voyant quelques oiseaux voler haut au dessus de moi. Pour peu qu'il y en est un qui ne se retienne pas.. Je pouffe de rire, ça ne changera pas de d'habitude pour les moqueries, ce sera juste sur un sujet différent qu'à l'accoutumée. Répétant les mêmes gestes automatique que l'on fait pour fumer je me rends compte que j'arrive au bout de ma sucette à cancer. Je soupire, c'était passé bien trop vite.. Mais je m'étais promis de ne fumer qu'une seule cigarette après les cours, la prochaine était à la fin du repas. À présent j'allais exercer ma passion : la peinture. Après tout je n'étais pas en terminal option art pour rien, si ? Je repris donc mes affaires et marchais tranquillement mais pas si lentement que ça vers le bâtiment.

Après quelques minutes, quatre tout au plus j'arrivais dans le grand hall. Il était rempli par des lycéens, j'avais l'impression que tout le monde me regardais alors je rasais les murs, rentrant ma tête dans mes épaules et pressais le pas. J'avais pourtant juste à monter quelques marches pour être à la salle d'arts et pouvoir peindre. C'était déjà trop pour moi, je n'aimais pas être entouré de monde, je n’aimais pas le bruit aussi, alors tous ces gens qui parlaient me mettaient mal à l'aise, moi qui avais bien du mal à prononcer deux syllabes sans bégayer. L'une des choses qui me valait des moqueries d'ailleurs... Enfin bref  j'y étais presque, la foule se faisait moins présente dans les couloirs des étages, j'étais bientôt à la salle que je souhaitais. Soufflant de soulagement j'arrivais finalement à l'étage et m'engouffrais dans le couloir. La troisième porte à droite et j'y étais. Je l'ouvris et ne vis personne, une aubaine, une chance extrême pour moi qui avait tant envie de peindre ! Je posais mes affaires de cours et mon sac sur l'une des tables et allais vers les bouteilles de peinture pour choisir celles que je voulais. Mais... Je ne savais pas ce que je voulais peindre alors... Je les pris toutes et sortis une feuille de dessin puis mes pinceaux qui ne me quittaient jamais, bien qu'il y en ait dans la classe. Je commençais donc à peindre tranquillement sans que personne ne vienne m'embêter... Si ? Hé bien oui, touché, malheureusement pour moi j'avais laissé la porte ouverte et certains élèves s'y étaient engouffrés pour venir voir qui pouvait être là et malheureusement c'était moi... Je levais la tête de ma peinture alors que l'un des garçons se trouvait devant, je me levais pour le surplomber de quelques centimètres... Bon, l'intimidation grâce à ma taille ne marcherait pas. Qu'allais-je faire hein ? L'un de ses amis prit ma feuille et la regarda avant de l'agiter devant moi avec une voix idiote.

– Alors l'apprenti peintre on fait des pâtés ? Ça ressemble à rien ton truc ! Tu ferais bien d'arrêter de te prendre pour Michel Ange.

Il connaissait au moins mais tout autres pensées s'arrêtèrent nettes lorsqu'il déchira ma peinture. Les larmes aux yeux je m'avançais devant lui mais le mal était fait et ma feuille était déchirée et à présent au sol.



Je m'accroupis devant mon dessin à mettre à la poubelle.

– Ooooh pardon... Mais... Sérieux... Tu fais pitié mec !

Dit-il alors que je ravalais mes larmes, essayant de les sécher sans y parvenir.

Je suis en pleurs, comment ne pas l'être lorsqu'on déchire le fruit de son travail ? Même s'il n'était pas très avancé j'y avais mis du cœur et je commençais à l'apprécier. Oui c'est l'une des rares choses que j'aime chez moi : mes peintures et mes dessins, alors si on m'enlève ça... Les larmes, abondantes, roulent sur mes joues. Elles creusent des sillons sur leurs passages, je peux les sentir. Je sens aussi le goût salé de celles-ci venir se loger au niveau des commissures de mes lèvres. Mes larmes sont incontrôlable et à présent j'ai même des hoquets de tristesse. Pourquoi ? Pourquoi toujours moi ? Qu'est ce que j'ai fait ?! Mais qu'est ce que j'ai fait bon dieu ! J'essaie d'essuyer mes larmes du revers de ma chemise bien qu'elles coulent parfois plus que lorsque je ne les touche pas. C'est un enfer ! Je suis encore dans un cauchemar ! J'y suis trop de fois, trop longtemps, je veux que tout s'arrête... Pour juste être un peu tranquille, m'évader, respirer sans pression sur ma cage thoracique. Car oui tout ce qui m'arrive m'empêche de respirer, j'ai l'impression de mourir un peu plus à chaque agression, si je peux appeler ça comme ça bien que ce soit trop gentil pour être considéré comme des agressions. Mais qu'importe, c'est à ça que je pense lorsque elles me compressent en se mettant sur ma cage thoracique puis mon dos, les deux à la fois pour me donne encore plus envie de mourir. Je n'en peux plus, je veux juste qu'on me laisse en paix, je veux un peu de liberté pour souffler et prendre un grand bol d'air frais mais... Il faut croire que c'est impossible. Pourquoi ne puis-je pas être un peu chanceux dans la vie ? Pourquoi ne puis-je pas être... Je ne sais pas.. Je ne sais plus, mes pensées sont trop troublées, trop éparpillées et en vrac pour que j'arrive à les dissocier et mettre des mots dessus. Je stresse, j'angoisse, je suis dévasté et j'ai bien trop peur pour arriver à mettre des mots sur mes celles-ci.

Que vont-ils faire après s'en être pris à mon dessin ? Vont-il s'en prendre à moi ? Pour s’amuser et continuer de me briser ? C'est ça qu'ils font : me briser comme beaucoup l'ont fait avant lui, je suis une cible en porcelaine que l'on prend plaisir à frapper avec des balles de base ball, comme dans les foires ou les parcs d'attraction. Pourtant, il savent qu'il ne doivent pas en arriver à cette forme d'intimidation sous peine d'être renvoyé sur le champs. Cependant ils savent que je ne dirais rien alors peut être qu'il vont en profiter pour frapper l'autiste qui ne sait pas se défendre et qui ne dit pas un mot quoi qu'on lui fasse.

Mais j'entends soudain des applaudissements. Comme si mes bourreaux n'étaient pas assez il fallait qu'il y en ait nouveau qui arrive pour se moquer de moi... Mais... bizarrement, en l'écoutant parler malgré le bourdonnement dans mes oreilles, je me rends compte qu'il n'est pas de leur côté, au contraire. Apparemment ils se connaissent quand même. J'espère que le garçon qui a l'air de m'aider ne va pas avoir de soucis à cause de moi... J'entends ensuite un téléphone sonner, l'un de mes bourreaux apparemment étant que je vois ses pieds bouger ainsi que ceux de son ami. Ils partent ? Je soupire de soulagement malgré les hoquets dû à mes larmes et mon manque d'air dans mes poumons. Le jeune homme, que je n'ose pas regarder s'excuse. Pourquoi il s'excuse ? Il n'a rien fait de mal pourtant ? Je ne sais pas pourquoi il dit ça et avec les larmes réfléchir me donne mal aux tempes et à la tête. Je renifle et prends la parole.



Je mets alors mes mains devant mes yeux comme si je voulais cacher mes larmes mais, il était trop tard, il avait très bien vu et entendu que je pleurais. Quel abruti ! Je l'entends ensuite me reparler. Il va dormir ? Pourquoi ? Il est trop fatigué ? Ils n'aurait peut être pas dû m'aider alors... Je suis encore un poids voilà... Je suis toujours un poids, pour tout le monde et lui, à peine nouveau dans mes connaissances en fait à présent parti... Cependant j'acquiesce en prenant le papier où se trouve le numéro. Je regarde ensuite mon sauveur se caler en tailleur avec mon reste d'esquisse dans ses mains. Que va-t-il faire au juste ? Je vois ensuite mon dessin se « recoller » comme par magie. Qui est cet homme pour faire cela au juste? Je m'assois en tailleur en face de lui écoutant tout de même en direction du couloir si les deux garçons sont toujours là mais apparemment ils n'y sont plus, n'entendant plus de bruit venant du dehors de la salle. J'ose regarder le garçon qui dort. Lorsqu'on ne me regarde pas c'est bien plus facile pour moi de regarder au niveau des yeux jusqu'à ce qu'il les rouvre. Combien de temps l'ai-je regardé au juste ? Je baisse immédiatement les yeux et commence à parler, essayant de ne pas trop bégayer.