J’avais récidivé.
Puisque j’avais noté le trajet, je l’avais refait à une heure différente cette fois, histoire de voir si cela changeait quelque chose et cette fois-ci, j’avais averti de l’endroit où je me rendais. J’avais également pris soin d’allumer ma pipe à opium remplis d’encens, le laissant se diffuser tout autour de moi. Je n’avais pas oublier la première fois que j’avais fait le trajet avec le professeur Kisanagi alors je ne voulais pas prendre de risque. Même si ce n’était pas pour attaquer, juste les empêcher de trop m’approcher.

Je vérifiais bien le trajet afin de ne pas me perdre dans les bois, déjà que je rentrerais sûrement tard dans la nuit. Enfin, si j’avais bien prévu mon coup, je devrais rentrer quelques minutes à peine avant que les portes du dortoir ne soient fermés définitivement…
A l’affût du moindre bruit, je me souvenais aussi de mon « coup » de ce matin. Je n’avais pas très bien comprit comment cela avait aussi bien marché mais j’avais réussit à avoir le portable professionnel du professeur Kisanagi au secrétariat. Le fixe de son bureau aussi, mais le portable serait un plus comme je ne pouvais pas appeler le directeur dans la mesure où il semblait toujours m’ignorer autant. Enfin, j’espérais qu’il était du genre à répondre… si jamais je devais tomber sur un esprit un peu plus récalcitrant que les autres, j’espérais que sa voix réussisse à convaincre l’esprit de me laisser passer pour que je n’ai pas à employer la manière forte. Pas que j’aurais des scrupules s’ils venaient à m’attaquer mais cela ne faisait même pas un mois que j’étais ici et je ne voulais pas me faire des ennemis que je pouvais éviter. J’en avais déjà bien assez comme ça.

Finalement, bien que je ne m’étais pas perdu, je n’eus pas le loisir de l’approcher cette fois… rencontre intéressante mais pas conseillé dans une ruelle sombre. Le type de personne que l’on ne voulait pas comme ennemi.
Comme prévu, il était assez tard quand je retournais en direction du dortoir. Je finis par sortir ma bouteille d’eau alors que je percevais à peine l’orée du bois… et un mouvement en périphérie. De la distance où je me trouvais, je ne voyais qu’une ombre. Je rangeais ma bouteille, reprenant ma pipe qui n’était pas éteinte de toute façon. Mais avec cette « apparition », je préférais l’avoir prête à l’attaque plutôt que négligemment pendue à mon pantalon.

J’avançais doucement, en faisant le moins de bruit possible. Cette personne m’avait-elle vu ? J’étais pressé par le temps si je ne voulais pas me retrouver dehors ce soir mais, je ne pouvais pas non plus résister à un tel mystère.
J’examinais la silhouette… fine, mais la cape masquait beaucoup de détails à ma vue et puis, j’étais bien trop loin sans compter la nuit qui avait envahis les lieux. Seuls les éclats de la lune permettait de bien y voir, chose étonnante dans une forêt aussi feuillus que celle-ci. Enfin, je laisserais là mes interrogations cette fois. Je ne voulais pas que cette silhouette ne m’échappe, surtout qu’elle ne semblait pas fuir l’encens alors… un humain ?

– Qui êtes-vous ?

Ma voix n’était pas très forte mais dans le silence relatif des lieux, elle était parfaitement audible.
S’il y avait un omyoji qui machinait dans la forêt en ce cachant de cette façon, je voulais savoir pourquoi.

Évidemment, l’ombre commença à reculer avant de s’enfuir. Un sourire sournois passa sur mes lèvres alors que je me lançais à sa poursuite. Il y avait de très fortes chances pour que je passe la nuit dehors après ça et ne puisse pas dormir à cause des esprits alentour mais tant pis, je prendrais le risque. Ou bien prendrait celui de me faire attraper en allant dans le dortoir des adultes.
D’ailleurs, pourquoi les étudiants n’étaient-ils pas avec eux ? Pour aider les cadets dans leurs études peut-être ? Ils étaient assez mal tomber avec moi qui n’était pas si souvent dans ma chambre… ou du moins, très tard le soir et parti très tôt le matin, ne croisant donc personne.

Cela étant, je fus très vite obligé de cesser ma course poursuite, un esprit étant apparut en face de moi et me faisant soupirer. Il avait bravé l’encens environnant – bien que celui-ci n’était que peu agressif – alors celui-ci ne devait certainement pas être simple.

– Me laisserez-vous passez ? Demandais-je poliment mais sans conviction aucune, toujours mon sourire aux lèvres.
– Non.

Mon sourire se reflétait sur mon opposant qui me le rendait, clairement espiègle. Agressivité caché ou simple « jeu » en réponse aux lieux saturé en encens ? Ou alors, pensais-je alors que mes doigts se resserraient sur ma pipe, certains nuages de fumées se transformant en félins redoutables, il voulait couvrir la fuite de cette personne cachée… Un esprit allié à un humain…

– J’aurais quelques questions à vous poser.
– Tu les posera à tes ancêtres, héritier !

Le contraire m’aurait étonné aussi, mais la réponse me tira un rire alors que je faisais passer mes « ombres » à l’attaque, mon opposant faisant de même. Ma main glissa dans ma veste, retirant une dizaine de sceau déjà préparé.
Finalement, je n’avais pas attendu bien longtemps avant de me faire attaquer. Enfin, il fallait avouer qu’en sortant seul dans la forêt, et de nuit, je cherchais un peu les ennuis…

Une demi-heure plus tard, mon sourire était toujours présent bien qu’un peu crispé alors que je serrais les dents. Ma main droite tenait le haut de mon bras gauche et ma joue – gauche – me brûlait sous la griffure qu’elle avait subit. Je n’avais pas senti d’agressivité réelle dans le combat mais cela s’était soldé par un ex-aequo si je pouvais dire ainsi. J’étais blessé – mon bras en sang là où ma manche était déchiré – et lui allait devoir rester au calme pendant un moment pour se soigner également mais je n’avais tout de même pas réussit à l’exorciser.
Ou du moins, je n’avais pas réellement tenté de le faire plus exactement.

Je soupirais, regardant l’heure avec une moue boudeuse. Le dortoir était fermé à présent… j’allais devoir rentrer en douce dans l’autre. Je prendrais le risque, c’était toujours mieux que de rester dehors toute la nuit, certain seraient bien moins joueurs que celui-ci.
J’avançais donc vers le dortoir quand un son parvint à mes oreilles. Ce n’est toutefois qu’une fois la cours atteintes que je pus identifier l’instrument correctement ainsi que son auteur : le professeur Kisanagi. Amusante coïncidence pour ce soir.

– Bonsoir professeur ! Lançais-je joyeusement. Faites attention si vous restez tard, certains esprits veulent jouer.

Je le saluais d’un mouvement de la tête avant de me diriger vers le dortoir des adultes, la main toujours sur ma blessure pour éviter de perdre trop de sang.

Ma voix ne l’avait pas surpris… ce qui m’avais surprit. Je devais avouer que je pensais que le discret professeur était du genre à vite être surpris mais je m’étais trompé. Ou alors, il savait déjà que j’allais arrivé, ce qui était possible également.
Sans attendre de réponse de sa part, je commençais à me diriger vers le dortoir. Le miens était fermé mais je pourrais toujours rejoindre ma sœur ou ma cousine… même si j’étais peu enchanté par le fait de passer un mauvais quart d’heure au vu de ma blessure. Mauvais moment qui allait se répéter le lendemain avec mon petit frère, aucun doute là-dessus. J’étais fatigué par avance.

– Vous avez l'air assez sérieusement blessé... Je devrais peut-être vous emmener à l'infirmerie d'abord... Je vous aiderai ensuite à retourner au dortoir des adultes.

Je m’arrêtais, me tournant vers lui tout en gardant ma main bien plaqué sur la blessure de mon bras. L’infirmerie ? Loin de moi l’idée de vouloir contredire le professeur, surtout dans mon état, mais au vu de l’heure, j’étais persuadé que celle-ci soit fermée. Il devait bien y avoir une annexe dans les dortoirs en cas d’urgence du côté des élèves mais tout était fermé à coup sûr et, je ne pensais pas que cette annexe existait du côté personnel ou du moins, je n’en avais pas entendu parler. Dans un sens, pourquoi serait-elle là alors que chacun avait un appartement entier à disposition ?
Il leva sa main près de la blessure sur ma joue et je me retiens de reculer d’un pas, un peu curieux de savoir ce qu’il voulait faire au juste mais aussi pour vérifier. Non, aucune fraîcheur n’émanait de sa main.

– L'infirmerie me semble même presque obligatoire... Je ne peux pas vous laisser regagner un lit dans cet état...
– Sans vouloir vous offenser professeur, je ne pense pas que l’infirmerie de l’académie soit encore ouverte à cette heure-ci et je dois avouer que même si elle l’était, je ne me vois pas marcher autant à présent.

Surtout que je revenais du temple et donc avait fait assez de marche pour la journée. Cela accumulé à l’attaque, j’étais bon pour m’écrouler dans mon lit.

– Ne vous en faites pas, ma sœur me hurlera dessus toute la nuit mais elle devrait avoir de quoi faire dans sa pharmacie. Ne vous dérangez pas, faites simplement attention à vous. Bien que je me sois bien amusé.

Un léger rire franchit mes lèvres alors que je montais précautionneusement les marches vers le dortoirs, vérifiant que personne n’arrivait. Ce n’était pas le moment de me ramasser dans le couloir…

– J'ai le nécessaire dans ma pharmacie... si vous passiez à mon appartement ? Histoire que je puisse au moins vous nettoyer cela. Je vous aiderai ensuite à rejoindre l'appartement de votre sœur, afin que si jamais un surveillant passe dans les couloirs, vous n'ayez pas de souci.

Je m’arrêtais de nouveau, me tournant pour mieux le voir. Pourquoi ? Je veux dire, ils ne devaient pas habiter bien loin et… nous ne nous connaissions pas vraiment même si nous avions passé une journée ensemble. Il n’était pas non plus mon professeur alors… pourquoi insister pour me soigner lui-même ?

– Je ne vais pas vous laisser repartir ainsi, vous n'allez pas passer une bonne nuit, et les cours du lendemain seront difficiles.

Je ne comprenais pas bien… et la douleur irradiait suffisamment mon bras pour ne pas m’aider à réfléchir. Enfin, ce n’était pas comme si j’avais spécialement envie de refusais puisque ça éviterait de me faire hurler dessus ce soir à défaut d’éviter de le subir demain.

– D’accord, je vous suis.

La main toujours bien plaqué sur ma blessure, je le laissais passer devant pour guider la route jusqu’à son appartement, notant mentalement le trajet mais surtout le numéro de son appartement. Le numéro deux donc… Je retiendrais.
Je restais en arrière, observant le couloir silencieux le temps qu’il ouvre la porte et entrez silencieusement mais assez rapidement dans l’appartement dès qu’il m’en eu donné l’autorisation. Ce n’était pas que j’étais pressé mais je préférais pas qu’on me voit ici tout en étant blesser, cela risquait de créer des problèmes. Et beaucoup de problèmes…

Je restais vers l’entrée, attendant qu’il me disent quoi faire tout en détaillant l’appartement et sa décoration, les notant dans mon esprit.
Il y avait des vases vides sur le bords de la fenêtre…

– C’était jolie, ce que vous jouiez quand je suis arrivé… commençais alors qu’il préparé sûrement de quoi me « réparer ».

Grimaçant légèrement, je décollais précautionneusement ma mais de la blessure pour l’examiner… la coupure n’était vraiment pas jolie et j’aurais certainement droit à des points de suture – encore –, j’espérais qu’il savait les faire…

Je secouais la tête avec un sourire face aux « justifications » prononcées par le professeur. Il n’y avait pas besoin de cela, je disais juste ce que je pensais. Que ce soit considéré « bon » ou « mauvais » par d’autres ne m’intéressais pas vraiment je devais l’avouer.

– On va commencer par votre bras, ça me semble le plus urgent. Je crains de devoir couper la manche pour pouvoir panser la plaie. Cependant... je ne sais pas faire de point de suture. Les pansements, je n'ai pas de souci, mais recoudre, c'est une autre histoire...
– Si vous avez du fil et une aiguille, je peux me débrouiller pour ça. J’ai l’habitude, rajoutais-je dans un sourire un brin gêné à cette seconde révélation.

Il avait déjà vu à quel point j’étais maladroit de toute façon. Bien que ce n’était pas uniquement de la maladresse mais aussi – et surtout – car je ne voyais rien du côté droit, me barrant une bonne partie de ma vision.
Découper la manche ? Ce n’est pas que ça me dérangeait puisque ma chemise était foutue de toute manière. Toutefois, j’avais bien peur que le tissus fut coller à certains endroit de la plaie avec le sang… examinant les dégâts plus attentivement – j’allais pas le laisser désinfecter la plaie au travers de la manche quand même – je fus satisfait de voir que le sang n’avait pas suffisamment coagulé pour coller. Soupirant, je tirais donc un grands coup sur le haut de la manche tout en suivant la coupure déjà faite, faisant ainsi céder une bonne partie du tissus pour qu’il ne cache plus la coupure. Un fois cela fait, et dans une grimace où je serrais les dents, je passais le tissus sur ma coupure pour en enlever l’excédant de sang. Même s’il coulait encore quand je ne resserrais pas les pans, ce serait toujours mieux.

Je le laissais donc approcher avec son coton imbibé de désinfectant, tenant mon bras et fermant la blessure du mieux que je pouvais de ma main libre.

– Désolé si ça pique.
– Si vous pouviez passer autour sans passer directement dessus… désinfecter à l’intérieur fera plus de mal que de bien au vu de la profondeur…

Disons qu’il n’avait pas l’air habitué à des blessures aussi profonde et je ne pouvais pas lui en vouloir, c’était assez impressionnant et il n’était pas médecin.
Ma famille n’allait vraiment pas me louper demain…

– Merci… murmurais-je quand il eut fini de désinfecter.

J’attendis ensuite qu’il aille chercher du fil et une aiguille, me permettant de m’asseoir sur le bord du canapé du salon le temps qu’il approche.

– Si vous pouviez seulement mettre le fil et désinfecter l’aiguille s’il vous plaît… merci… j’aurais besoin de vous ensuite… si vous pouviez tenir la blessure fermée pendant que je la recouds ? Vous n’êtes pas obligé de regarder si ça vous incommode… mais ça m’aiderait beaucoup.

J’attendis ensuite qu’il me passe l’aiguille pour souffler un coup avant de me concentrer, fronçant les sourcils. Je retenais une grimace en serrant les dents alors que je commençais mon œuvre. Ce n’était pas particulièrement agréable mais… ce n’était pas vraiment la première fois que cela arrivait.
Au bout de quelques minutes, je ne pus que soupirer de soulagement en ayant fini. Il ne manquait plus qu’a faire le nœud et couper le reste du fil… chose pas simple à faire d’une seule main… aussi, je jetais un air curieux au professeur.

Je hochais silencieusement la tête a sa question, le laissant donc couper le fil et bander mon bras. Je devrais aller voir le médecin dans les plus bref délais le lendemain, c’était certain. Ce n’était pas du bon fil et si je n’allais pas le faire contrôler – au mieux changer les fils – au plus tôt malgré les soins actuels, je serais bon pour une infection et je n’en avais pas particulièrement envie.

– Passons à la brûlure maintenant...
– Hum… dis-je faiblement en guise de réponse.

Je commençais vraiment à fatiguer et n’avais envie que d’une chose : aller dormir. Si j’échappais aux réflexions ce soir je serais déjà chanceux mais il ne me manquerais absolument rien demain.
J’allais baisser machinalement ma manche quand je me souvins que ce n’était pas la peine.
Je soupirais faiblement quand il passa l’eau sur ma joue, bien docile et le laissais appliquer la crème en suivant, laissant des picotement et un peu de frais sur ma joue au passage.

– Je pense que tout est bon...

Je hochais une nouvelle fois la tête.

– Je pense également, merci pour les soins, je serais plus prudent la prochaine fois… dis-je dans une légère grimace.

Pas que je voulais mentir mais je finissais toujours par me mettre dans des situations pas possible à cause de ma curiosité malgré ma prudence.
Je m’étirais légèrement, faisant attention à ne pas trop bouger mon bras.

– Je vais vous laisser, passez une bonne soirée… enfin, une bonne nuit plutôt vu l’heure… a plus tard professeur Kisanagi.

Je fit une courbette de salut bien japonaise avant de me diriger vers la sortie. C’était peut-être une prise de congé un peu abrupt et impoli mais je commençais à sentir la fatigue venir à la charge et peut-être une pointe de fièvre à cause de ma blessure et je ne me sentais pas en état de mener une conversation dans mon état actuel.